Cracking the management code

Fête de la musique : quelques notes qui résonnent pour le management

La fête de la musique est une excellente source d’inspiration pour le chercheur en management, comme pour le manager d’ailleurs, et certainement aussi pour les étudiants en management. Après avoir passé comme tout le monde (ou alors, il fallait vraiment avoir décidé de se couper de la société) une après-midi et une soirée au son de musiques diverses et variées, j’ai envie de proposer quelques notes (non pas musicales malheureusement) pour partager mes observations et mes interrogations quant à ce que la musique peut apporter au management. Il n’y a évidemment aucune ambition ni d’exhaustivité, ni d’expertise (même si je peux revendiquer 12 années d’études de solfège, de piano, et d’orgue).

Quels liens entre musique et management ?

La musique est constitutive de la vie en société depuis les débuts de l’humanité comme en attestent les reliques d’instruments dans les fouilles préhistoriques . Toutes les sociétés humaines ont, sans exception des rites musicaux, des instruments spécifiques, des répertoires.

Par ailleurs, la musique peut elle-même être perçue et analysée comme une société. Elle provoque de nombreux projets qui deviennent des organisations : groupes de musique, chorales, sociétés de spectacle …. qui, de façon plus ou moins formelle, sont managés (ne parle-t-on pas d’ « industrie de la musique ? »)  Enfin, après des  décennies (la modernité ?)  où la musique a déserté le monde des entreprises, elle les réinvestit peu à peu depuis quelques années par des chemins divers : contribution à la formation au management, mécénat, levier du sentiment d’appartenance … C’est donc un lien évolutif, parfois ténu mais toujours réel, qui réunit musique et management.

J’égrène donc mes observations comme j’ai déambulé pendant cette dernière fête de la musique dans les rues, au hasard de rencontres musicales…

 Do : la richesse des configurations organisationnelles en musique

On peut faire une musique extraordinaire dans toutes les configurations possibles : soliste, duo, trio, quatuor, orchestre de chambre, orchestre symphonique … Pour faire de la qualité, il n’y a pas de notion de « taille critique » quand il s’agit de faire de la musique, même si, bien sûr, les compositeurs écrivent leurs œuvres pour certaines formations. Cette richesse des configurations organisationnelles est inspirante pour le monde du management.

 Do dièse : l’importance de l’amateur sur le professionnel

Ce côté « amateur » est fascinant : on peut pratiquer la musique en « amateur », cela semble très éloigné du monde du management. Peut-on envisager de faire du management en « amateur » ? Les risques sont certainement plus grands que celui de faire des fausses notes.

 Ré  : le métier passion

On ne choisit pas d’être musicien professionnel sans passion, sans envie, c’est un constat. Qu’en est-il des vocations en management ?

 Ré dièse : la contribution de tous à un projet commun

Bien souvent,  le « ding » du triangle qui n’intervient qu’une seule fois, ou la contribution de quelques secondes du tambour sont indispensables à l’œuvre musicale où dominent largement les cordes et les instruments à vent. La chaine de la valeur par la preuve !

C’est ce que nous dit Riccardo Muti :

« Un orchestre symphonique est la plus belle métaphore de la société que je connaisse. Chacun est indispensable, mais doit savoir s’effacer pour faire vivre une réalité supérieure ».

Mi : le goût de l’apprentissage

Jouer peut être inné pour certains très privilégiés, mais pour beaucoup, bien jouer  de la musique, bien chanter aussi procède d’un apprentissage continu, sans cesse renouvelé, mais que les musiciens assument sans broncher. A-t-on la même motivation quand il s’agit d’apprendre le management ?

Fa : la synchronisation

Elle n’est pas un choix, dès qu’on doit faire de la musique à plusieurs, il n‘est pas question de jouer solo (même si on est soliste, et encore !) et la notion d’accord n’est pas une métaphore ou un vain mot : il faut être dans le même ton et en harmonie. Si la synchronisation est vitale en management, elle n’est pas suffisamment audible pour qu’on la respecte spontanément.

 Fa dièse : le tempo !

Le rythme est essentiel en musique, il faut le respecter avec ses Accelerando , Adagio, Agitato, Andantino, Adagietto, Andante … Or, on sait de mieux en mieux que le temps est une variable essentielle en management, le court terme, le long terme, les accélérations, les attentes, les nécessaires pauses se conjuguent aussi bien pour les individus que pour les organisations, mais ne sont pas forcément respectés.

 Sol : le rôle de l’émotion

« La musique est un cri qui vient de l’intérieur », a chanté Bernard Lavilliers, l’émotion fait partie intégrale de la musique, elle la produit comme le démontrent les musiques de films qui génèrent tristesse, peur, angoisse, joie …  Le management reste le monde de la rationalité même si les choses évoluent et que peu à peu, les émotions sont prises en compte, que ce soit en gestion des ressources humaines, ou en marketing. A suivre.

Sol dièse : la créativité

C’est certainement ce qu’il y a de plus extraordinaire dans la musique : avec seulement 7 notes (un peu plus avec les dièses et/ou les bémols), les compositeurs créent sans cesse de nouvelles mélodies, et, ce depuis des temps immémoriaux. Cette créativité avec finalement si peu de ressources est fascinante pour le monde du management ou le mot est surtout prononcé de façon incantatoire. Surtout quand on écoute Mozart en expliquer le ressort:

« J’essaie simplement de mettre ensemble des notes de musique qui s’aiment »

 La : le lâcher prise !

Je pense à la célèbre phrase de Herbert Von Karajan :

«  L’art de diriger, c’est savoir abandonner la baguette »

Oui, savoir lâcher prise, faire confiance, prendre du recul … combien de managers savent le faire ? Ou souhaitent le faire ? Si peu, malgré les plaintes, les envies, et les burn out …

Si bémol : l’énigme du don

Il y a une spécificité en musique : c’est l’importance du don personnel. Si on ne peut faire un constat aussi radical en management, se pose-t-on suffisamment la question des pré-dispositions ? On pourrait peut-être éviter beaucoup d’erreurs en redisant qu’on ne s’improvise pas manager, et que le bon expert ne fera pas forcément un bon manager comme on le laisse souvent penser.

Si : l’universalité du langage

La musique parle à tout le monde, elle est un langage universel, comme le rappelle le film de Steven Spielberg : « Rencontre du troisième type ». En effet, partout, le do est un do, le ré est un ré (même si les notes ont des noms très divers selon la langue ou la culture). Les agencements ne sont pas les mêmes (gammes chromatiques vs gammes pentatoniques) … mais qu’on soit d’Europe, d’Asie, d’Amérique ou d’ailleurs, la musique est entendue et comprise par tous.

L’anglais sera-t-il un jour la langue universelle du monde des entreprises ? Si ce n’est pas déjà le cas, ça y ressemble fort ! La globalisation du management est bien avancée mais encore très en retard sur celle de la musique

Do : l‘interculturel

Malgré cette universalité, la musique reste tribale : les tribus des fous d’opéra, celle du rock, celle de la pop, du reggae, de la folk, de la biguine, de l’orgue, des percussions …Elle a aussi des racines profondes dans une culture, dans un territoire, et peut accompagner chacun dans ses exils. Elle est signe de reconnaissance et d’identité. Si elle transcende les frontières, elle donne des repères.

Le management travaille aussi avec la culture mais la respecte-t-il vraiment ? Mais la « McDonaldisation » guette aussi le monde de la musique après s’être étendue depuis longtemps sur le monde des entreprises.

Ré bémol : le sentiment de maîtrise du geste

La perte de sens est une des causes de la souffrance au travail, les salariés ont en effet le sentiment d’avoir perdu toute maîtrise de ce qu’ils font au travail, tellement il s’est disloqué, taylorisé. Le musicien peut, lui, vérifier en instantané le produit de ses efforts : son mélodieux ou fausses notes,  c’est du pareil au même au regard de ce critère.

Ré : l’adaptation aux nouvelles technologies comme aux réseaux sociaux

L’arrivée de nouvelles technologies a permis de créer des instruments inédits comme les synthétiseurs ou la musique électrique. Les réseaux sociaux ont bousculé les relations entre créateurs et auditeurs, les rémunérations classiques (les droits d’auteurs) ont été mises à bas. Il faut encore continuer cette adaptation, et les acteurs du monde de la musique le savent bien. Mais la musique « vivante » continue à faire la démonstration de sa vitalité et chaque année, le 21 Juin en est la preuve !

 Contrepoint

Après cette montée de gamme chromatique, soyons aussi capables d’un peu de recul. Tout n’est pas rose dans le royaume de la musique. Ainsi, la formation est encore basée dans de très nombreux endroits sur un apprentissage fastidieux du solfège puis de l’instrument de façon dogmatique et aride. Le projet est d’avantage de former une élite « douée » que d’encourager des bonnes volontés moins talentueuses, l’élitisme est de mise, avec la sélection qui va avec.

La diversité des musiques organise de très nombreuses chapelles : « on ne mélange pas » le classique et la variété, la pop et le reggae, l’opéra et la variété … même si on peut voir, de ci delà, des exemples intéressants de ce franchissement de frontières jusque-là étanches. Le purisme est souvent au centre des esprits.

La concurrence est érigée en système comme le montrent les formules organisées par la télévision : The Voice, Star Academy…

Si une partie des musiciens ou des mélomanes se sont saisis de façon souvent innovante des réseaux sociaux, il y a encore de nombreuses résistances qui semblent parfois relever de combats d’arrière-garde : pensons à la loi HADOPI et à ses avatars.

Outro

Il ne s’agit donc pas d’être naïf : la musique n’adoucit pas toujours les mœurs, loin de là ! Et les entreprises ne sont pas que des lieux de souffrance.Mais cette interpellation, en ce lendemain de fête, du management par la musique, permet de prendre du recul … en chantant ! Ce qui ne peut pas faire de mal !

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