Cracking the management code

Archives de mots clés: parution

Femmes et hommes dans l’entreprise, les nouveaux défis

La manager et le philosophe

La manager et le philosophe.  Femmes et hommes dans l’entreprise: les nouveaux défis

Je suis très fière d’annoncer la parution de mon nouvel ouvrage « La manager et le philosophe. Femmes et hommes dans l’entreprise : les nouveaux défis », qui est disponible depuis le 8 janvier.  Ce livre correspond à ma conception de la recherche qui, loin des idées reçues, doit être en prise avec la réalité pour mieux la comprendre et la mettre en mouvement. Il permet de réaffirmer que les théories, les concepts, la connaissance, aident à penser, à mieux comprendre le monde qui nous entoure et à ne pas le subir. Il montre également qu’il existe un corpus de connaissance en management, que le management ne se limite pas au « faire » et à l’action comme on se plait à le dire, et  que dialoguer avec des sciences plus classiques est possible. Le livre présente aussi des convictions fortes sur d’autres façons de faire dans les entreprises et les organisations, le courage, le respect, l’exemplarité, la réussite … n’ont pas à rester sur leur seuil mais au contraire à s’y installer en toute légitimité.

Ecrire un tel ouvrage, c’est avant tout réfléchir et penser, ce qui constitue une pause vitale dans une vie professionnelle débordante et souvent débordée.  Cela a été tout simplement du plaisir, du dialogue et de l’échange avec le philosophe Yann-Hervé Martin, je l’en remercie sincèrement.

Sortir des idées reçues

Dans un contexte d’incertitude, de pertes de repères, chacun est amené à se poser des questions sur ce monde qui dysfonctionne. L’objectif de « La manager et le philosophe » est d’aider  à prendre du recul, de sortir des idées reçues, d’amener à se poser les bonnes questions pour mieux décrypter des situations qui se présentent à tous de façon quasi-quotidienne.

Qu’est-ce que « réussir » ? Pourquoi manquons-nous si souvent de courage dans le monde professionnel ? Comment travailler dans le respect ? Que signifie être exemplaire ? … sont quelques-unes des questions que nous nous sommes posés. Nous n’offrons aucune clé magique, ni de réponses toutes faites, mais plutôt un point sur les évolutions sociétales, des redéfinitions, des grilles de lecture, que chacun pourra s’approprier.

Un véritable dialogue

Nous avons voulu un véritable dialogue permettant  d’enrichir la réflexion, sans concession et sans langue de bois. Ce livre n’est ni un manuel de management qui pourrait donner de façon illusoire du « prêt à penser », ni un essai philosophique sur le monde du management, qui tournerait vite à la leçon de choses, pour ne pas dire de morale.

Le choix a été fait d’une entrée dans le vif du sujet  à l’aide de questions courtes, que chacun peut se poser, et qui permet au lecteur d’entrer dans la conversation sans avoir une lecture linéaire de l’ouvrage. Nous proposons à la fin de chaque chapitre une courte bibliographie qui permet à ceux qui le souhaitent de prolonger la réflexion.

Qu’avons-nous trouvé ?                       

Nous avons regardé, chacun avec nos lunettes (celles du philosophe et celles de la chercheuse en management) le monde de l’entreprise et nous y avons vu finalement la même chose : des femmes et des hommes pas seulement liés entre eux par un contrat, pas uniquement animés par le profit et le gain, mais des personnes avec leurs forces et leurs faiblesses, leurs joies et leurs peines, leurs envies et leurs désillusions, leur engagement et leur démobilisation.

Nous avons aussi  cherché à comprendre comment il était possible de mener des projets communs ayant du sens pour le groupe comme pour chacun, dans un « bien vivre ensemble », sans renoncer ni à la performance, ni à l’exigence.

Des questionnements urgents

Les thèmes n’ont pas été choisis au hasard, ils correspondent aux attentes et aux questionnements les plus fréquents et peut-être aussi les plus urgents que nous identifions dans le monde du travail. Ils ont été traités de la façon la plus exhaustive possible, pour ne pas enfermer le lecteur dans un exercice de conviction. Il est évident qu’il peut y avoir des recoupements. Il peut y avoir aussi des manques, explicables par la nécessité de garder un volume raisonnable à cet ouvrage.

  •  Réussir sa vie : du « connais-toi toi-même » au coaching de soi

Tout le monde veut « réussir sa vie ». C’est très louable mais il faut se poser au préalable deux questions : 1/ de quelle vie s’agit-il ? ma vie professionnelle ? ma  vie personnelle ? ma vie sentimentale ? et 2/que veut dire réussir ?

A la première question, on constate que, maintenant, tout le monde veut tout réussir, ce qui occasionne une pression incroyable, encore exacerbée par les réseaux sociaux qui nous font entrer dans un jeu de comparaisons permanentes. A la seconde : réussir est devenu «être performant », en pensant qu’organiser le monde extérieur à son profit peut suffire ; ce serait trop simple et on voit bien que les plus belles réussites ne mènent pas au bonheur.

Il faut prendre du recul avec cette obligation de la réussite, et ne pas la confondre avec le bonheur. Sinon nous sommes condamnés à la frustration et à la désespérance, comme au recours à des propositions qui peuvent paraître performatives mais qui donnent surtout l’illusion qu’il est possible de se dispenser de l’obligation de comprendre ce que l’on veut vraiment.

  • Travailler ou s’épanouir : faut-il choisir ?

Le travail ne serait plus une valeur en soi. Les études montrent que sa part est de plus en plus relativisée par la famille, les loisirs, la vie sociale. Ce qui va de pair avec la diminution du nombre d’heures que nous lui consacrons (15 années de temps libre actuellement contre 3 années en 1900). Le travail est de plus en plus associé à la « souffrance au travail ». Et pourtant, les paradoxes sont importants : il reste central dans la construction de l’identité sociale, et on attend beaucoup de lui en termes d’épanouissement, et plus l’emploi est rare, plus le travail est décrié.

Pour comprendre, il faut bien distinguer le travail de l’emploi car c’est plutôt à ce dernier que les critiques sont adressées. Ce sont les conditions dans lesquelles s’exerce un travail qui sont aliénantes, pas le travail en soi. Entre désengagement et résistances, les réactions sont variées, mais ne répondent pas à l’attente forte de l’épanouissement au travail.  Cette exigence d’un métier épanouissant pour tous est naïve mais il est possible de rendre les conditions de l’exercice du travail plus humaines.

  • Le pouvoir et ses métamorphoses : du « bon chef » au « chef d’orchestre »

Les entreprises sont des lieux de pouvoir et de hiérarchie même s’il n’est pas revendiqué en tant que tel. Mobiliser ce concept permet de mieux comprendre les rapports humains dans le monde du travail. L’instinct de domination existerait en chacun de nous selon saint Augustin et, à sa suite, Pascal ou Kant. Il faut distinguer pouvoir et autorité. Le pouvoir est lié au statut, c’est la capacité à faire exécuter un commandement, alors que l’autorité est considérée comme l’attribut d’un individu et se définit comme sa capacité à exercer de l’influence et de faire prévaloir sa volonté sur les autres.

La perception du pouvoir a évolué et on est passé au cours des années de la vision d’un chef, à celle d’un leader pour, plus récemment, à celle d’un pouvoir plus participatif et plus polymorphe (ce qu’on nomme les parties prenantes). Il ne faut pas oublier non plus qu’il existe un pouvoir invisible et silencieux : le pouvoir informel, exercé par ceux qui n’ont pas de statut mais qui maîtrisent l’accès aux décideurs, à l’information, l’expertise.

Les managers d’aujourd’hui ont bien compris que l’autorité personnelle est plus importante que le pouvoir, et que, finalement, la véritable autorité est peut-être dans le lâcher prise ; comme quand le chef d’orchestre pose sa baguette et que l’orchestre continue à jouer.

  • La performance

La performance est consubstantielle aux projets des entreprises. Elle est à la fois succès, résultat mesurable et action. Il faut cependant prendre garde à ne pas se laisser aveugler par la performance car elle peut être contreproductive : ainsi Jérôme Kerviel ou Lance Amstrong ont été, chacun dans leur domaine, très performants !

La RSO (Responsabilité sociétale des organisations) pense la performance globale des organisations en ne dissociant pas le durable, l’économique et le social. Sortir de l’évaluation purement quantitative de la performance est également indispensable.

Tant la philosophie que le management constatent qu’on ne peut pas longtemps être performant seul : que serait un orchestre si chaque musicien voulait jouer sa partition en se mettant seul en avant ? Une cacophonie ! Le recours à la motivation, souvent mobilisée en management comme constitutive de la performance, est également réducteur. Ce serait par manque de motivation que les salariés ne seraient pas performants. La réalité est plus complexe.

Pour renouveler notre regard sur la performance savoir faire des pauses pour penser l’action, comme savoir guetter le moment opportun pour agir sont deux recommandations essentielles.

  • Le courage : vertu ou compétence managériale ?

Les mots « courage » et « courageux » sont peu utilisés dans le discours du management.  Qu’est-ce que le courage ? C’est agir en situation d’incertitude et en ayant conscience des risques pris. Cela correspond bien à des attitudes de dénonciation de pratiques que l’on désapprouve, ou encore au courage d’entreprendre, au courage d’innover et de conduire le changement ou encore au courage de la transparence en management.

Le courage est une vertu cardinale en philosophie et issue du champ militaire, mais le concept a évolué et les philosophes considèrent que le courage est surtout celui d’affronter ses propres lacunes et faiblesses.

Il faut bien admettre que l’entreprise est souvent le lieu de manque de courage qu’on peut qualifier d’irresponsabilité managériale et qui se manifeste par le déni, le mensonge, la dissimulation ou l’oubli.  Mais attention, trop de courage peut transformer la vertu en vice et devenir de l’inconscience ou de l’insouciance. De même on peut être courageux sans être vertueux, il y a des salauds courageux !

La philosophie comme le management pensent qu’on peut apprendre à être courageux. Il faut que le management pousse au sens critique, ouvre des zones de dialogue, dans un contexte de responsabilité et valorise d’avantage l’échec, pour favoriser les conduites de prise de risques.

  • L’exemplarité : le manager n’est pas un héros

Donner l’exemple, prendre exemple, être exemplaire sont à la fois des comportements qui ne se limitent pas à l’entreprise – on les retrouve ainsi dès la plus petite enfance – mais dans lesquels on peut voir les fondamentaux du management.

Ils interrogent deux pratiques établies que sont la transmission et le rapport à la norme. La transmission en bousculant l’idée qu’elle ne peut se faire que de façon théorique et du haut vers le bas. Le rapport à la norme, car pour prendre exemple, il faut savoir aussi cultiver une distance critique et interroger les valeurs, les procédures, les fameuses « bonnes pratiques ».

L’exemple ne peut se limiter à l’imitation. Or, il faut reconnaitre que, trop souvent, on se contente de répéter ce qui se faisait sans s’embarrasser de remise en cause ou de questionnement.

Il existe en management des figures exemplaires, mais qui, finalement sont trop inatteignables pour avoir valeur d’exemples : on peut penser à des grands chefs d’entreprise comme Bill Gates ou Steve Jobs. Comme les leaders, les figures du « chef » ou du « mentor » marquent leurs limites en matière d’exemplarité. Le statut comme la bienveillance n’impliquent pas automatiquement l’exemplarité.

Il est important que chacun, en ayant l’humilité de percevoir et de reconnaitre les qualités de personnes de son entourage, se forge ses propres exemples, de façon plus modeste mais plus concrète et plus atteignable.

  • Le respect

Le respect et devenu un véritable mot de passe de nos sociétés alors qu’on constate une montée de plus en plus forte de l’irrespect, souvent nommé « incivilités ». Le respect est devenu un terme « fourre-tout »revendiqué dans toutes sortes de situations. Il faut tout respecter, les hommes, les lois, les procédures, le matériel, l’environnement. Ces injonctions sans hiérarchie laissent dubitatif.

Respecter, c’est veiller à préserver ce qui a de la valeur, et ce qui a de la valeur n’a pas de prix. Finalement, tout converge vers le respect à la personne. Comme l’a écrit Kant : « Traite toujours ta personne et celle d’autrui toujours en même temps comme une fin, et jamais seulement comme un moyen ».

Il faut cependant distinguer respect et estime : si on doit le respect à tous ses collègues ou collaborateurs, on a souvent de l’estime que pour certains. En effet comme Pascal, nous distinguons ce qui est le respect dû au statut, et celui dû à la personne.

La question du respect renvoie aussi aux règles et, dans les entreprises, on constate que seules sont véritablement respectées celles que les personnes se sont appropriées. Sans cela, on obtient au mieux de la tolérance, c’est-à-dire accepter ce qu’on pourrait empêcher.

Si le respect est essentiel, la reconnaissance de chacun est vitale et le manager est durement interpellé par des salariés qui manifestent cette soif de reconnaissance, non pas limitée à la récompense mais bien celle qui passe de personne à personne. La reconnaissance est le défi le plus important du management dans les années à venir. C’est l’objectif du « management de la diversité » qui se construit sur la reconnaissance de l’autre dans sa différence, un management qui porte un regard bienveillant sur autrui, non pas sur ce qu’il a de spectaculaire mais ce qu’il a en lui de fragile. On travaille mieux quand on se sait respecté, on manage mieux quand on est respecté, tout simplement.

J’espère vous avoir donné envie de prolonger cette réflexion. Bonne lecture !