Faut-il former les ministres des cultes, les cadres religieux au sein des universités ? La question n’est pas provocatrice. Elle est récurrente dans l’université de Strasbourg : cf infra, les contributions du regretté Etienne Trocmé et de Franck Fregosi. Elle est de nouveau posée à propos du projet LABEX “RES0. Religions et sociétés : textes, normes et pratiques”. Elle doit être débattue avec sérénité. En particulier dans cette période d’ouverture de la Grande Mosquée de Strasbourg.
Le projet RESO est piloté par Francis Messner, directeur de recherche au CNRS, directeur de l’UMR PRISME (organigramme), membre de l’équipe Société, droit et religion en Europe (SDRE), spécialiste du droit des religions. Il est co-auteur de Formation des cadres religieux en France. Une affaire d’Etat ? (avec Anne-Laure Zwilling, Genève, Labor et Fides, 2010). Je n’ai pas trouvé en ligne le projet RESO : help au lecteur du blog !
L’université de Strasbourg, dans le contexte très particulier du Concordat, possède une Faculté de théologie catholique, une Faculté de théologie protestante. Doit-elle ouvrir une Faculté de théologie musulmane ? Un Institut national de l’Islam ? Le Collectif Agir ensemble pour une université démocratique s’en émeut dans un communiqué publié le 9 juillet 2012 : “Excellence et laïcité à l’université de Strasbourg”.
Le texte d’Agir articule deux questions critiques. Celle du processus de décision et de financement des projets LABEX, dont le projet RESO retoqué par l’ANR et par le jury international (cet aspect n’est pas traité dans cette chronique). Celle de la création d’un Institut National de l’Islam.
Un Institut national de l’Islam qui aurait une mission de recherche, d’enseignement. Aurait-il, devrait-il avoir une mission de formation des Imams ? A l’université de Strasbourg, il existe déjà une spécialité Islamologie dans la mention du master Sciences et droit des religions. Rubrique “Insertion professionnelle” : “Formation d’universitaires ainsi que de cadres associatifs et religieux. Cette formation en islamologie et en droit musulman est susceptible d’intéresser un public important et diversifié, composé à la fois de cadres et d’intellectuels liés au monde musulman ainsi que de juristes et de spécialistes des sciences sociales… L’objectif de ce Master est d’apporter une contribution décisive à la formation initiale des responsables des institutions religieuses concernées“. Question : combien de diplômés de ce master sont-ils devenus Imams ?
La formation des ministres des cultes catholique et protestante au sein de l’université date de l’époque moderne, de la Réforme et de la Contre-Réforme. Elle prend en compte l’évolution générale des formations. Dans la première moitié des années 80, Etienne Trocmé, par deux fois président de l’université Marc Bloch, impulse la création d’un DESS. Dans la chronique “Quiz. Président et Profession“, je citais Roger Mehl. “La tendance actuelle au niveau du gouvernement est de renforcer les liens entre l’Université et les futurs employeurs des étudiants ; pour la Faculté de théologie, ces employeurs sont par priorité les Églises et les œuvres qui gravitent autour d’elles. Aussi la Faculté s’est-elle hâtée de demander la création d’un nouveau diplôme de troisième cycle, le DESS dont la finalité est précisément de préparer, avec le concours des futurs employeurs, les candidats à l’exercice de leur profession. Le DESS de la Faculté comporte une journée d’enseignement théologique et trois journées de stage [par semaine]“…
Franck Fregosi, médaille de bronze du CNRS à 33 ans, est, à Strasbourg, un “spécialiste de l’Islam contemporain en France et en Europe ; il étudie notamment les processus d’institutionnalisation, d’organisation et de gestion de l’islam dans l’espace européen”. Il a publié un texte faisant remarquablement un point historique sur les questions posées dans cette chronique et par le Collectif Agir : “Un cursus de théologie musulmane à Strasbourg : un enjeu national pour le devenir de l’Islam en France, un défi pour les musulmans d’Alsace”.
Sa conclusion. “De la même manière qu’un travail d’explicitation en direction des musulmans doit être poursuivi, sans ostracisme aucun (on ne peut pas toujours choisir ses interlocuteurs!), et sans fausse complaisance non plus, il faut enfin que les pouvoirs publics se prononcent clairement et en connaissance de causes. En son temps l’actuel ministre de l’intérieur avait écrit “qu’une grande politique d’intégration (devait passer par la création) d’une faculté théologique à Strasbourg pour former les imams. Qu’en est il aujourd’hui ?” Débattre.