Docs en stock : dans les coulisses de la démocratie universitaire

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Mon Master va-t-il sauver la méritocratie ?

La mise en place cette année 2023 de la plateforme nationale d’accès aux Masters, baptisée « Mon Master », arrive dans un contexte très particulier : d’un côté l’État fixe pour objectif la stagnation éducative, de l’autre la démographie et la politique de réussite en Licence entrent en conflit avec les emplois disponibles et la politique d’exigence en Master. Si le gouvernement échoue à utiliser Mon Master pour résoudre ce conflit, tout l’édifice méritocratique pourrait être ébranlé.

La stagnation éducative comme objectif national

La montée en qualification d’une population, aussi appelée massification éducative ou démocratisation de l’enseignement supérieur, est une politique nécessairement temporaire : arrive forcément un moment où soit toute la population est qualifiée, soit les pouvoirs publics estiment qu’il n’est plus besoin de la qualifier plus.

Actuellement, plus de 80% d’une classe d’âge est diplômée du secondaire (niveau bac) et plus de 50% est diplômée du tertiaire (niveaux post-bac) (voir « 50 ans de massification, et après ? »).

Dans ce contexte de banalisation des études supérieures, le projet annuel de performance de la France fixe comme objectif de rester dans la situation actuelle. En d’autres termes : le gouvernement fixe la stagnation éducative comme objectif national (voir « Les bleus 2023 de l’ESR »).

Cette décision raisonne bien sûr dans la stagnation du budget de l’enseignement supérieur, voir sa baisse relative : s’il n’y pas besoin de faire plus, alors il n’y a pas besoin de financer plus (voir « Budget de l’ESR : il monte et il descend, mais surtout il descend »).

Pression démographique et politique de réussite en Licence

Malgré l’objectif de stagnation éducative, les effectifs étudiants n’ont jamais cessé d’augmenter depuis une dizaine d’années. On trouve deux raisons à cela. D’abord, la démographie, avec une croissance des naissances depuis le milieu des années 90, et dont nous ne sommes pas encore sortis : la génération 2004 fait tout juste son entrée dans l’enseignement supérieur.

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La seconde raison est la politique d’admission et de réussite en Licence, décrite par Mme Barthez, directrice de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle : « Le premier cycle doit accueillir le plus grand nombre d’étudiants, les faire réussir malgré la diversité des profils et jouer le jeu de l’ancrage territorial ».

Il en résulte un accroissement de près de 20% des étudiants du MESR entre 2010 et 2021, qui, additionné à la politique de stagnation éducative et donc budgétaire, se traduit par un baisse d’autant des taux d’encadrement.

Exigence et emplois disponible en Master

Après sa description de la politique en Licence, Mme Barthez décrit une contradiction : « Le master et le doctorat constituent en revanche des formations très largement irriguées par la recherche et pour lesquels l’exigence est de mise ».

Depuis la réforme de 2015, cette exigence se retrouve en particulier dans la sélection qui s’opère entre la Licence et le Master. Additionné à l’effet COVID, la contradiction entre les politiques L et M conduit à une situation inédite et probablement critique, caractérisée par un violent décrochage entre les effectifs étudiants en L3 et en M1.

C’est dans ce contexte qu’est mise en œuvre la plateforme Mon Master, qui va donc servir de régulateur à cette situation. Mais de quelles stratégies de régulation disposent les pouvoirs publics ? D’un côté, diminuer les effectifs en L3 n’est possible qu’en diminuant les admissions post-bac ou en diminuant les taux de réussite post-bac, deux perspectives vraisemblablement exclues par les décideurs.

D’un autre côté, augmenter les effectifs en Master semble également exclu par la politique « d’exigence », qui est en réalité une politique de mise en adéquation des places de formation avec le marche de l’emploi (voir « Et si l’abandon des étudiants était rationnel ? »).

Or, les taux d’insertion professionnelle en sortie de Master sont bons, mais déjà fragiles.

A défaut d’une véritable politique de création d’emplois, une augmentation des effectifs Master aussi brutale que celle des effectifs Licence pourrait donc conduire à une baisse des taux d’insertion professionnelle, et donc de la « valeur des diplômes ». Depuis l’apparition du chômage il y a 50 ans, il a été naturel pour les pouvoirs publics comme pour les familles de souhaiter allonger les études. Or, cette stratégie est désormais inopérante en Master, puisqu’il s’agit du dernier niveau de qualification (si on omet le doctorat, qui ne s’adresse jusqu’à présente qu’à une petite partie de la population).

Cette situation menace tout notre édifice méritocratique : si même celles et ceux qui ont « bien travaillé à l’école » sont injustement évincés en sortie de Licence ou se trouvent significativement au chômage en sortie de Master, alors la croyance dans le mérite scolaire pourrait ne pas survivre. Notre modèle social pourrait s’en retrouver profondément questionné.

Pour l’instant, il n’y aucun positionnement clair des pouvoirs publics à propos de cette situation. Les deux seules perspectives envisagées semblent être le développement de l’alternance et du secteur privé, voir de l’alternance dans le secteur privé. Mais la brutalité avec laquelle cette politique a été mise en œuvre conduit à un « déficit de 5,9 milliards d’euros en 2022 » avec un « effet net sur l’emploi en volume / vraisemblablement faible ».

La question reste donc entière : les pouvoirs publics sauront-il se saisir de Mon Master pour sauver la méritocratie ?

Pour aller plus loin…

Une opinion personnelle

La situation décrite dans ce billet n’est pas propre à la France, mais se retrouve dans tous les pays qui ont achevé leur massification éducative. A ma connaissance, aucun n’a annoncé de politique ambitieuse à ce sujet. Si, dans le contexte idéologique actuel, cette situation peut sembler inquiétante ou déprimante, il existe une perspective exaltante dans le décrochage entre les études supérieures et l’accès au marché de l’emploi : les études pourraient alors trouver une place nouvelle dans la société, recentrée sur les fondamentaux que sont l’enseignement de la méthode scientifique et la préparation à la citoyenneté.

Peut-être même que ce décrochage qualification/emploi est déjà inévitable, ne nous laissant pour choix que de le subir au risque d’ajouter une nouvelle crise aux crises, ou de s’en saisir comme d’une opportunité pour construire un monde meilleur.

Recentrer l’enseignement supérieur, et en particulier l’Université, sur de nouveaux fondamentaux permettrait de se préparer plus sereinement à affronter les grandes crises climatiques, économiques et démocratiques qui nous font face. Peut-être même est-il indispensable. Après la massification puis la banalisation, il s’agirait d’une troisième étape civilisationnelle qui serait la démocratisation, au sens d’un enseignement supérieur dont la seule mission serait de venir en appui de la démocratie.

 

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Budget de l’ESR : il monte et il descend, mais surtout il descend

Un graphique de Lucas Chancel et Thomas Piketty rencontre régulièrement beaucoup de succès sur Twitter, et en conséquence beaucoup de critiques. S’attarder sur ces différentes critiques permet d’affiner notre compréhension de ce que cache ce graphique, en identifiant quatre facteurs impactant les moyens de l’ESR : son budget, le nombre d’étudiants, l’inflation, et le périmètre des missions. Dévoiler ces détails permet de conclure au désintérêt des pouvoirs publics envers l’enseignement supérieur, ce qui est finalement ce que montre ce graphique en un clin d’œil.

« La chute du budget de l’enseignement supérieur par étudiant »

Ce graphique et ses données sont disponibles à l’adresse https://lucaschancel.com/etudiants/ et la lecture indiquée est : « le budget de l’enseignement supérieur par étudiant (une fois l’inflation prise en compte) a baissé de près de 22% entre 2012 et 2023 en France. Entre 2017 et 2023, la baisse est de près de 15%. »

Visuellement, c’est la conjugaison de deux effets qui est sidérante : d’abord une chute rapide, mais surtout une chute « transpartisane », puisque les trois « partis de gouvernement » (droite, gauche puis revendiqué centre) poursuivent apparemment la même politique. Cela tranche évidemment avec les discours de ces gouvernements, chacun ayant claironné avoir fait un « investissement sans précédent » dans l’ESR. Cela a aussi un effet intéressant de confirmation-mais-indignation sur les militants : sur le même graphique, ils pourront à la fois confirmer que le camp opposé a menti et se désintéresse en réalité de l’enseignement supérieure, mais aussi découvrir que leur propre camp également. C’est propice aux critiques venues de tous bords.

Accusations de manipulation visuelle. Évacuons immédiatement la critique la plus facile : le graphique serait manipulatoire, notamment parce que son origine n’est pas 0. Or, ce graphique est en valeur 100, son origine n’est donc pas 0, mais 100. Partir de 0 permettrait une meilleure lecture de la proportion de la baisse, mais écraserait du même coup la hausse initiale sous la présidence Sarkozy. Pour cette raison et d’autres, la présentation actuelle est, à mon sens, tout à fait défendable. Quoi qu’il en soit, les données sont librement disponibles, donc charge à chacun de tenter un autre graphique s’il le souhaite.

Budget vs. démographie étudiante

La critique la plus récurrente est que ce n’est pas le budget qui baisse, mais la démographie étudiante qui augmente. Et c’est absolument vrai. Les auteurs ont d’ailleurs mis à portée de clic un graphique qui le montre de façon tout à fait explicite :

C’est absolument vrai, mais aussi sans beaucoup de pertinence : quel est le sens d’un budget si on ne prend pas en compte les besoins qu’il est censé couvrir ? Le graphique s’appelle d’ailleurs « budget par étudiant » et non seulement « budget ». Finalement, il y a moins d’honnêteté de la part d’une ministre qui annonce une augmentation du budget en occultant la hausse du nombre d’étudiants, que de la part des auteurs de ce graphique.

En réalité, si on souhaite critiquer ce graphique, on peut noter qu’il s’agit du budget du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR), et plus précisément du Programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », qui représente un peu moins de la moitié du budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES). Il n’inclut notamment pas les ressources propres des établissements (frais d’inscription, par exemple), les budgets des autres ministères qui irriguent largement les écoles, et bien sûr les budgets des formations privées.

De plus, le nombre d’étudiants utilisé dans le calcul est le nombre total d’inscrits dans l’enseignement supérieur (3M, dont 1,6M à l’université), qui inclut donc tous les étudiants dans le privé et dans les écoles, mais aussi dans les formations qui ne relèvent pas du MESR, comme les BTS par exemple. Il s’agit donc d’une partie du budget de l’enseignement supérieur divisé par la totalité des étudiants.

Pour autant, ce calcul manque-t-il de pertinence ? En réalité, l’erreur serait de l’interpréter comme une approximation du coût d’une année de formation pour un étudiant : il ne prétend pas être, et c’est heureux car ce coût n’est pas calculable. Il faut aussi reconnaitre l’habilité des auteurs à préférer une valeur 100, plutôt que d’utiliser une unité comme les euros par étudiant, qui aurait été trompeuse. Nous allons voir que ce calcul a une autre signification.

Budget vs. inflation

Toujours si on souhaite critique ce graphique, on peut discuter de l’usage qui est fait de l’inflation, calculée à partir de l’indice des prix à la consommation (IPC) de l’INSEE).

Ce graphique montre que, une fois prise en compte l’inflation, les 15Md€ de budget de 2023 correspondent en réalité à 15Md euros-constants de façon relativement stable sur tout la période (alors qu’il ne s’agissait que 11Md en euros de 2008). La question est d’importance : Madame Vidal a par exemple refusé vigoureusement que sa Loi de programmation de la recherche (LPR, 2020) soit budgétisée en tenant compte de l’inflation. Alors qu’on pouvait prévoir une stagnation en euros constants, l’inflation conduira finalement à ce que « l’investissement sans précédent » soit en réalité une « érosion » (c’est-à-dire une baisse) :

S’il faut saluer le fait que les engagements pris lors du vote de la loi de programmation pour la recherche soient respectés en 2023, ces derniers permettent davantage de limiter l’érosion des moyens consacrés à la recherche en France que de se rapprocher de l’ambition initiale de la programmation.
Rapport législatif du Sénat sur le Projet de loi de finances pour 2023 : Recherche et enseignement supérieur 

Cependant, l’IPC utilisé mesure la variation moyenne des prix des produits consommés par les ménages, sur la base d’un panier fixe qui ne correspond sans doute pas aux dépenses d’un établissement d’enseignement supérieur : 20% d’inflation sur les produits alimentaires impacte énormément l’IPC, mais très peu le budget des universités. Utiliser un calcul de l’inflation adapté aux dépenses des universités pourrait donner un résultat assez différent (ou pas).

Cela nous conduit à faire une autre observation intéressante : environ les trois quart des budgets des universités sont consacrés à la masse salariale. Or, les rémunérations de leurs personnels ne suivent pas l’inflation, puisque le point d’indice en a décroché dans les années 80, et est gelé sur la totalité de la période couverte par le graphique (à l’exception des années d’élection présidentielle). En d’autres termes, l’inflation n’impacte pas directement la capacité des universités à payer leurs personnels, en revanche elle impacte durement la qualité de vie des personnels des universités (voir cette notre Nos Services Publics « Monter un escalator qui descend »).

Le périmètre des missions

Un autre facteur pour informer la lecture de ce graphique est l’évolution du périmètre des missions. En effet, le MESR ne distribue que rarement des moyens nouveaux pour renforcer l’existant. Plus généralement, il négocie ces moyens en échange de la création de nouvelles activités, comme le montre ce graphique par exemple :

Cela se confirme également par l’évolution du L123-2 du Code de l’éducation : entre 2006 et 2020, les missions du service public de l’enseignement supérieur sont passées de 3 à 11. On observera aussi par exemple que le programme 150 augmente grâce aux moyens de la LPR, qui est dédiée à la recherche et non à l’enseignement. Or, plus de moyens pour faire plus de choses, ce n’est pas plus de moyens. Et dans le cas (généralement constaté) où les moyens nouveaux ne couvrent pas les besoins nouveaux, c’est en réalité moins de moyens à activité constante.

Le désintérêt des pouvoirs publics envers l’enseignement supérieur

Tout cela mis bout à bout, nous faisons donc face à l’impossibilité d’évaluer sérieusement l’évolution de la dépense de l’État pour chacun de ses étudiants. Pour autant, nous avons pu vérifier que l’État ne ré-évalue pas sa dépense dans l’enseignement supérieur selon la démographie étudiante et l’inflation, et que les augmentations budgétaires correspondent le plus souvent à une augmentation des charges de travail, pas toujours en rapport avec l’enseignement. En d’autres termes, les universités ne tiennent que par la surcharge de travail et l’appauvrissement de leurs personnels.

Revenons maintenant au graphique critiqué :

Finalement, le calcul qui sous-tend ce graphique est donc une très bonne mesure de l’investissement budgétaire de l’État dans l’enseignement supérieur au regard des besoins de la nation. Son titre ne dit pas autre chose. La conclusion qu’il faut en tirer est simplement que l’État se désintéresse des missions fondamentales de l’enseignement supérieur, et c’est très exactement ce qu’il montre, en ayant en plus l’élégance de masquer de nombreux détails complexes mais qui finalement n’ajoutent rien à cette conclusion.

Dernière façon de se convaincre de la pertinence de ce graphique, malgré les critiques qu’on peut adresser à son calcul, il correspond finalement très bien à ce qu’on constate souvent sur d’autres indicateurs plus concrets et beaucoup plus proche du terrain, comme par exemple le nombre d’enseignants par étudiants dans le périmètre du MESR :

 

 

Pour aller plus loin…

Tableau de bord de l’ESR – Edition 2023

Vous voler votre montre pour vous donner l’heure. Et pas la bonne.

Combien coûte une formation universitaire (et par extension celle des étudiants étrangers) ?

 

Les bleus 2023 de l’ESR

Les « bleus » de l’ESR viennent d’être publiés. C’est un pur outil de techno-bureaucratie, dans lequel on trouve toutes les informations budgétaires (incompréhensibles), mais aussi tous les objectifs de performance.S’il est toujours impossible de savoir à quoi servent exactement ces documents dans les prises de décision, ils permettent en tous cas de percevoir la stratégie nationale d’ESR au delà des discours politiciens. On y découvre la fin de la massification, et l’absence d’ambition pour l’enseignement et la recherche, mais aussi l’ouverture sociale et la transition énergétique.

« Cette annexe au projet de loi de finances est prévue par l’article 51-5° de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Conformément aux dispositions de la loi organique, ce document développe l’ensemble des moyens alloués à une politique publique et regroupés au sein d’une mission. Il comprend les projets annuels de performances (PAP) des programmes qui lui sont associés.

Cette annexe par mission récapitule les crédits (y compris les fonds de concours et attributions de produits attendus) et les emplois demandés pour 2023 en les détaillant par destination (programme et action) et par nature de dépense (titre et catégorie). »

Conformément aux normes technos, tout est catégorisé, chiffré et numéroté. Les programmes sont ainsi : 231 – Vie étudiante, 193 – Recherche spatiale, 192 – Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle, 191 – Recherche duale (civile et militaire), 190 – Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables, 172 – Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, 150 – Formations supérieures et recherche universitaire et 142 – Enseignement supérieur et recherche agricoles.

Faisons un tour rapide.

Côté formation

Le programme principal pour les universités est le 150 – Formations supérieures et recherche universitaire. On y perçoit la stratégie de l’État, qui se décline ensuite en pressions jusque dans les salles de cours.Voici ses indicateurs de performance :

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Massification

Regardons l’indicateur « 1.1 – Pourcentage d’une classe d’âge obtenant un diplôme de l’enseignement supérieur en formation » :
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On peut y voir qu’en 2020, 56,2% d’une classe d’âge sortait diplômé de l’enseignement supérieur, mais que l’objectif pour 2023 est de 53%, et n’atteindra 56,5% qu’en 2025.

Une lecture premier degré pourrait donc être qu’il faut diminuer le pourcentage de diplômés pendant 2 ans, avant de revenir au taux actuel. Il faut regarder les Bleus de l’an dernier pour y voir plus clair :

En 2019 nous étions à 53,3%, et les cibles étaient ensuite fixées à 53%. Traduction : « On ne touche plus à rien, c’est bon comme ça ».

Cocasse ! Alors que Mme Frédérique Vidal, Ministre à l’époque, vantait sur tous les plateaux sa loi « Orientation et Réussite des Étudiants », la nation se fixait en réalité un objectif de stabilité, voire de résistance à d’éventuels progrès.

Le sursaut à 56,2% observé en 2020 n’est pas expliqué dans le document, et la justification des cibles n’a pas changé pour autant. Il est possible que ce soit une conséquence de la crise Covid, survenue début 2020, et qui a conduit à une baisse des exigences pour la diplomation. Dans ce cas, nous devrions l’ambition nationale de passer de 53% à 56% à une crise sanitaire et une baisse des exigences.

Plus certainement, il faut comprendre que l’ESR a dépassé les objectifs de la nation, et que la nation ne se fixe pas d’objectif plus ambitieux. Il s’agit donc plus de ralentir que d’accélérer la massification.

Cela se confirme avec l’indicateur « 2.1 – La cible des Jeunes sortant de l’enseignement supérieur sans diplôme post-bac » :Image

Son l’objectif reste fixé à 20% dans la durée. Traduction : Nous n’avons aucune ambition de poursuivre la massification en diplômant encore plus de jeunes.

Cette non ambition confirmée par l’indicateur « 2.4 – Part des néo-bacheliers ayant obtenu au moins une proposition à la fermeture de Parcoursup », qu’on laisse à 94,2 %, soit la valeur actuelle (dont on peut admirer la précision). Image

« Réussite étudiante »

En revanche, l’indicateur « 2.2 – Mesures de la réussite étudiante » montre que nous avons l’ambition d’améliorer légèrement la « réussite étudiante », qui n’est en fait que la diplomation à l’heure. Traduction : On ne veut pas former plus, mais seulement diplômer plus vite. Image

Un des moyens pour y arriver est la chasse à l’absentéisme, comme le montre l’indicateur « 2.3 – Assiduité ». Comment être contre ? Sauf qu’un bon moyen d’améliorer l’assiduité est d’exclure les étudiants qui sont contraints d’avoir un emploi pour vivre, ou ceux qui ont des problèmes de santé, par exemple. C’est l’ennui de la techno-bureaucratie : son aveuglement aux réalités humaines. Image

Insertion professionnelle

L’indicateur 1.2 montre une certaine ambition, réelle pour les BTS, marginale pour le reste. C’est un objectif pour la formation, pour lequel la formation ne peut pas grand chose. S’il y a une crise économique ou sanitaire, la formation n’y peut rien par exemple, alors que l’insertion pro est lourdement impactée.

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Mais là encore, cela peut conduire à des politiques perverses : si votre formation diplôme 100 personnes, dont 80 trouvent un emploi, cela signifie sans doute qu’il n’existe que 80 emplois-débouchés ; diminuer les effectifs à 80 est alors un très bon moyen de vous rapprocher des 100% d’insertion pro. Est-ce que notre ambition est de diplômer moins pour insérer plus ?

Programme 231 – Vie étudiante

Dans la formation, on trouve également le programme 231 – Vie étudiante.Image

L’indicateur « 1.1 – Accès à l’enseignement supérieur des jeunes de 20/21 ans selon leur origine sociale » nous montrent que l’on vise +1 point pour les enfants de Employés, Ouvriers, mais +2 points pour les enfants de Employeurs, cadres, professions intermédiaires.
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A contrario, l’indicateur « 1.2 – Évolution de la représentation des origines socio-professionnelles des étudiants selon le
niveau de formation » montre un volontarisme mou en terme d’ouverture sociale.Image

On a donc à la fois une priorité molle et sans doute réaliste donnée aux classes aisée, et un objectif d’ouverture sociale toute aussi mou mais sans doute de principe. Si on se plongeait dans les chiffres, il n’y aurait peut-être pas contradiction… Mais difficile d’y trouver une véritable stratégie d’ouverture sociale, sinon une forme de stabilité avec des arrangements marginaux.

En résumé de la formation

En plus des indicateurs présents dans ces documents, il est intéressant de voir ceux qui en sont absents, notamment : la transmission des connaissances et l’émancipation. L’objectif qui nous est fixé est de diplômer le bon nombre de personnes par rapport à l’emploi, en investissant le moins possible. Point barre.

Tous ces indicateurs auraient pu être établis il y a un demi-siècle, et il sont donc très loin des enjeux contemporains.

Côté recherche

Regardons l’indicateur « Production scientifique des opérateur du programme » du programme 150 : à horizon 2025, nous voulons 7,3% et 1,2% de « Part des publications de référence internationale ». Or, nous étions en 2020 à 9,1% et 2%. Traduction : nous avons pour objectif de baisser substantiellement le poids de nos universités dans la production scientifique européenne.Image

Cela s’explique dans le texte, qui note qu’on est plutôt sur une « résistance » dans la chute que dans une conquête. Cette baisse prévue est officiellement une « ambition de consolider ainsi que d’améliorer leur positionnement ». C’est comique. On imagine plutôt une forme de réalisme face à la trajectoire scientifique française, qui en dit plus long sur la Loi de programmation de la recherche que les discours politiciens.

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Programme 172 – Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

Cette politique réaliste de baisse des performances recherche est confirmée dans les indicateurs du programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires.

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Deux choses intéressantes. D’abord on garde une certaine ambition face à l’Allemagne et au Royaume-Uni. Ensuite, notre ambition baisse beaucoup moins pour le programme 172 (auquel sont rattachés les EPIC et EPST : CNRS, Inserm, Inria, INED, Inrae, IRD, CEA, CIRAD, Ifremer, BRGM) que pour le programme 150 (auquel sont rattachées les universités).

En résumé de la recherche

Tout comme pour la formation, notre stratégie nationale est marquée par un manque d’ambition, qui pourra être perçu au choix comme du réalisme ou un renoncement.

Là encore, on pourra noter que des pans entiers de la recherche sont complètement absents des objectifs de la nation, notamment l’intégrité scientifique et l’autonomie de la recherche.

Du côté de l’énergie et du climat

Les objectifs « Efficience environnementale » sont à l’image de l’ambition de notre nation en la matière : on prévoit d’abord une augmentation de la consommation énergétique (cocasse alors que le ministère vient de demander 10% de baisse aux universités), et puis une diminution (magique et marginale) de 0,6%…Image

Le programme « 190 – Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables » traite exclusivement de cette question. On n’y trouve vraiment peu de choses intéressantes, et notamment rien sur l’émancipation ou la transition. Après un été incendiaire et face à une crise énergétique sans précédent, on peut rester dubitatif face à la « Part des ressources apportées aux opérateurs par les redevances sur titre de propriété intellectuelle ».

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Le programme est strictement industriel, borné dans espérance d’une forme de techno-solutionisme. Difficile d’y voir une stratégie nationale à la hauteur des enjeux en matière d’énergie et de climat. Cela va même jusqu’à interroger la pertinence de cet outil techno-bureaucratique, dont même la temporalité semble inadaptée dans la crise actuelle : les termes du problème semblent avoir changé entre sa rédaction et sa publication, ce qui laisse peu d’à-propos aux objectifs à 3 ans.

Quand la bureaucratie s’emmêle les indicateurs

Les chiffres de ces documents ne sont pas fait pour comprendre ou interroger, mais seulement pour piloter. Cela conduit parfois à des situations cocasses.

Prenons l’exemple de l’indicateur « 6.1 – Part des mentions à faibles effectifs ». Celui-ci est intéressant, car d’un point de vue pédagogique on souhaite qu’il augmente, alors que d’un point de vue managérial ou budgétaire on souhaite qu’il baisse.

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Or, on peut constater que cet indicateur augmente, et que ses objectifs augmentent encore plus. La techno-bureaucratie serait donc pour de meilleures conditions pédagogiques, au détriment des considérations budgétaires ? Loin s’en faut ! Mais il faut lire le texte d’accompagnement pour le comprendre :

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En réalité, cet indicateur augmente à cause d’une politique volontariste de le faire baisser.. Et bien sûr, cette baisse n’est pas justifiée par des raisons des raisons budgétaires ou pédagogiques, mais pour « renforcer la sobriété énergétique » !

C’est très comique !

Comique également certains tableaux, pourtant au cœur des préoccupations, dont on ne sait pas s’ils préparent les futures normes d’évaluation des performances ou traduisent une complète méconnaissance des performances actuelles… A moins qu’il s’agissent simplement d’un problème d’édition.

Pour conclure

Parmi les plus grands outils de pilotage de la techo-bureaucratie, ces « bleus » 2023 permettent surtout de percevoir l’abysse qui sépare les discours politiciens, toujours grandiloquents et volontaristes, des réalités techniques vraiment fixées par l’État pour la nation. L’absence d’ambition est frappante, dans tous les domaines, confinant parfois au renoncement.

Nul doute cependant qu’une lecture plus approfondie et un lecteur plus avisé y verrait des choses plus précises, plus intéressantes.

Reste une forme particulière de comique d’État, lorsque les promesses « d’investissement historique » se traduisent aussitôt en prédiction de baisse des performances. Le techno aura toujours une sincérité étrangère au politique, et cela fonde toute sa préciosité.

Pour aller plus loin…

Une analyse plus politique de l’impact de la bureaucratie universitaire en temps de crise :

L’Université et la bureaucratie, face à la crise

Campagne d’emplois synchronisée 2020 enseignants-chercheurs

La campagne d’emplois synchronisée de recrutement des enseignants-chercheurs (EC) est la procédure principale de recrutement des EC titulaires.

Les précisions sur les données et des résultats détaillés par section CNU, ainsi que tous les codes sont disponibles sur GitHub.

Nombre d’emplois

Les enseignants-chercheurs titulaires sont divisés en deux corps :

  • MCF : Maitres de conférences, qui représente le premier poste titulaire ;
  • PR : Professeur des universités.

Renouvellement

Le renouvellement est défini comme le rapport entre le nombre d’emplois de Maîtres de conférences et les effectifs d’enseignants-chercheurs :

renouvellement = emplois_MCF / (effectifs_MCF + effectifs_PR)

Le renouvellement peut se lire en pourcents ou en année. Par exemple, un renouvellement de 0.05 peut se lire : « 5% des effectifs sont renouvelés » ou « Au rythme actuel, il faudra 20 ans pour renouveler les effectifs ».

Attention : cette lecture suppose un effectif constant (hypothèse solide à l’heure actuelle). Si on considère une absence de départs (notamment à la retraite), la lecture devient « les effectifs seront augmenté de 5% » ou « Au rythme actuel, il faudra 20 ans pour doubler les effectifs ». La vérité est entre les deux.

Promotion

La promotion est définie comme le rapport entre le nombre d’emplois de Professeurs et les effectifs Maîtres de conférences :

promotion = emplois_PR / effectifs_MCF

La promotion peut se lire en pourcents ou en année. Par exemple, une promotion de 0.05 peut se lire : « 5% des MCF vont obtenir une promotion PR » ou « Au rythme actuel, il faudra 20 ans pour promouvoir tous les MCF ».

CNU

Nombre d’emplois

Renouvellement

Attention : Les données 2018 et 2019 de la section 76 (Théologie Catholique) ont été filtrée pour améliorer la présentation des données (elle présente un renouvellement de 10% en 2018, mais sur un effectif non significatif)

Promotion

La répartition des moyens des universités 2020 présentée au CNESER

Le CNESER du 19/11/2019 va devoir se pencher sur la répartition des moyens des universités, qui ventilent 12 663 M€ entre les établissements.

Les 77 M€ de « moyens nouveaux », fléchés par le ministère, se répartissent ainsi :

  • -0,8M€ : Actualisations et mesures diverses
  • 6M€ : Réforme des études de santé
  • 30M€ : Loi ORE
  • 1,1M€ : CET et plan vélo
  • 1,7M€ : RIFSEEP
  • 38M€ : Compensation de la mise en œuvre du PPCR

Les subventions pour charges de service public (SPCP) 2020 se répartissent ainsi :

  • 11 356 M€ : Masse salariale
  • 1 280 M€ : Fonctionnement
  • 36 M€ : Actions d’accompagnement dont loi ORE investissement
  • 60 M€ : Immobilier (sécurité, accessibilité, loyers, dévolution, MNHN, Epaurif)
  • -70 M€ : Mise en réserve (reconduction)

Le GVT est estimé à environ 75 M€, et n’est plus explicitement compensé.

Cette répartition est accompagnée d’une note. Le SNESUP a proposé une motion aux CNESER dénonçant « l’hypocrisie du gouvernement ». Le CNESER a voté unanimement contre cette répartition.

La campagne d’emploi enseignants-chercheurs 2019 en chiffres

La campagne d’emplois enseignants-chercheurs (EC) synchronisée 2019 est ouverte. 1609 postes sont mis au concours, contre 1658 l’an dernier, que l’on peut examiner au regard de leur corps, section CNU et établissement.

Le corps d’un emploi d’EC) peut être Maître de conférence (MCF) ou Professeur des universités (PR), qui représente une promotion pour les MCF. Les sections CNU (Conseil national des universités) répartissent les emplois par discipline. Les établissements sont les universités et autres écoles dans lesquelles l’emploi est proposé.

Analyse par section CNU

L’analyse des emplois par CNU montre de très grande disparités : pour les MCF, de 77 emplois en section 06 (Sciences de gestion) à 0 en sections 36 (Terre solide : géodynamique des enveloppes supérieures, paléobiosphère) et 76 (Théologie catholique) ; pour les PR, de 39 en section 27 (Informatique) à 0 en sections 12 (Langues et littératures germaniques et scandinaves) et 13 (Langues et littératures slaves).

Cependant, une partie de la disparités provient de la disparité des effectifs dans chacune des sections (sur les effectifs de 2017, ceux de 2018 n’étant pas encore disponibles) :

Grâce à ces deux informations, on peut calculer deux indicateurs plus pertinents que le nombre d’emplois :

  • le taux de renouvellement : le nombre d’emplois MCF sur les effectifs totaux, indication du pourcentage des effectifs renouvelé ;
  • le taux de promotion : le nombre d’emploi PR sur les effectifs MCF, indication du pourcentage de MCF qui pourra être promu.

En plus d’une lecture en pourcentage, ces indicateurs fournissent une lecture en temps : le temps qu’il faudrait pour que les effectifs soient entièrement renouvelé, et le temps qu’il faudrait pour qu’un poste de PR soit proposé à tous les MCF. Ainsi, au rythme de recrutement actuel, il faudrait 17 ans pour renouveler entièrement la section 74, mais 395 ans pour la section 87 ; il y aurait un poste de PR par MCF tous les 17 ans en section 76, mais tous les 282 ans en section 32.

On peut également représenter ces disparités sur un plan. Pour filière en tension, j’ai retenu les sections 01, 02, 03, 16, 18, 70, 71 et 74, qui correspondent aux filières ayant dû faire des tirages au sort. C’est une approximation. On peut en conclure que les filières en tension son globalement mieux traitée, sans que ce soit décisif non plus.

Analyse par établissement

La même analyse peut être conduite par établissement, qui depuis le passage au responsabilités et compétences élargies définissent leur propre stratégie de recrutement. Les établissements proposant moins de 5 emplois ne sont pas tracés pour des raisons de lisibilités.

Ce qui permet de calculer les indicateurs :

On peut ainsi dresser un classement des établissements qui se renouvellent (ou croissent) le plus vite : à ce rythme de recrutement, il faudrait 12 ans pour renouveler les EC de l’Université de Guyane, mais 303 ans à l’Université de Bourgogne.

On peut également dresser le classement des établissements qui promeuvent le plus leur MCF : à ce rythme, il y a un poste de PR par MCF tous les 6 ans en moyenne à CentraleSupélec, et tous les 860 ans à l’Université Claude Bernard Lyon 1

Conclusion et avertissement

Si les emplois ne permettent pas réellement de prédire l’évolution des effectifs sans disposer des départs, ils permettent néanmoins de calculer deux indicateurs intéressants : le taux de renouvellement et le taux de promotions. Ces indicateurs peuvent se lire en pourcentage, mais aussi en temps. L’analyse de ces indicateur permet d’observer les tendances dans les sections CNU, mais aussi les stratégies des différents établissements du supérieur.

Attention tout de même, il ne s’agit pas d’un travail abouti, mais expérimental. La gestion des emplois est évidemment très complexe. Ces indicateurs sont donc à prendre pour ce qu’ils sont : de simples indicateurs, et en aucun cas une réalité de terrain. Notamment, il faut rester conscient qu’il ne s’agit de projections sur la seule base de la campagne de cette année. Or, les campagne d’emplois peuvent être très différentes d’une année sur l’autre.

Malgré les efforts de vérifications, ces chiffres ne sont pas à l’abri d’erreurs. N’hésitez pas à me signaler ce qui parait étrange. Sources est données sont disponibles ici.

Combien coûte une formation universitaire (et par extension celle des étudiants étrangers) ?

Image chapeau du site officiel du ministère.

Le 19 novembre 2018, le Premier Ministre Edouard Philippe a présenté la stratégie nationale d’attractivité des étudiants internationaux baptisée “Bienvenue en France”. Un de ses piliers est l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants étrangers extra-communautaires. Malgré la surprise de la communauté universitaire, il s’agit d’une très ancienne revendication de la Conférence des Présidents d’Université (voir p. 37 et 42 des actes du colloque CPU 2001).

Selon le site officiel du gouvernement :

Vous êtes un étudiant non-européen […] l’Etat français prendra en charge les deux tiers du coût de votre formation. Le montant de vos frais de scolarité sera de :

  • 2 770 euros pour une année en cycle de Licence
  • 3 770 euros pour une année en cycle Master
  • 3 770 euros pour une année en cycle de Doctorat [cette disposition étant une porte-au-nez, elle sera ensuite retirée]

Le coût de ces formations seraient donc de 8310€ en Licence, et de 11310€ en Master et doctorat. Cependant, cette affirmation s’appuie sur une confusion entre dotation des établissements et coût des formations. En réalité, le coût d’une formation universitaire peut être grossièrement estimé en moyenne à 3750€…

[edit] D’après un rapport de la Cour des comptes, au moment même où le gouvernement annonçait ces chiffres, il finançait par ailleurs les places de Licence à hauteur de 1600€ dans le cadre de Parcoursup.

Mais ces sommes cachent des disparités difficiles à prendre en compte. Au final, personne ne sait calculer précisément le coût d’une formation universitaire… Essayons quand même de le faire.

Peut-on calculer le coût par la dotation en fonction des missions ?

La première approche pour calculer le coût des formations universitaires est de partir de la dotation nationale et d’identifier la partie employée à la formation.

D’après les chiffres clés de l’ESR, la “dépense moyenne par étudiant en 2016” est effectivement de 11510€. Mais comme son nom l’indique, ce chiffre correspond à la dépense pour l’enseignement supérieur (30,3 en Md€), divisé par le nombre d’étudiants inscrits (2,68M). Il masque donc notamment toutes les disparités entre les différents établissement : les universités ne sont pas dotées de la même façon que les écoles d’ingénieur par exemple, mais les universités elles-mêmes ne sont pas toutes dotées de la même façon.

En prenant seulement la dotation et les étudiants des universités, on obtient environ 12Md€ pour 1,6M d’inscrits, soit 7500€ par étudiants… Mais cette mesure est également fausse : contrairement à la plupart des établissements d’enseignement supérieur, les universités ont six grandes missions, dont une seule est l’enseignement. La ventilation de la dotation entre ces différentes missions revient à l’établissement, en fonction de ses stratégies propres.

« Le Compte de l’éducation : principes, méthodes et résultats » explique bien  que de nombreuses dépenses universitaires sont compté comme d’enseignement « sans que l’on puisse la répartir entre l’enseignement et la recherche » (p. 15).

Les universités définissent donc une clé de répartition interne, qui tourne autour de 50% enseignement / 50% recherche. On peut alors grossièrement estimer le coût d’une année de formation universitaire à la moitié de 7500€, soit 3750€ par étudiant. Cependant, cette clé n’est pas calculée, mais décidée arbitrairement pour des raisons comptables, elle varie d’un établissement à l’autre et ignore 4 des 6 missions. Cette estimation grossière est donc encore largement surestimée, et il est difficile de faire plus précis.

Pour expliquer cette difficulté, on peut citer le cas des enseignants-chercheurs. Ils exercent toutes les missions des universités, mais sans avoir d’obligations horaires globales ni de suivi de leurs activités.

Le calcul par mission devient alors rapidement impossible puisqu’on se confronte à des services et personnels “mutualisés”, qui exercent plusieurs missions, sans forcément que ce soit quantifié, ni quantifiable.

Peut-on calculer le coût par les missions en fonction de la dotation ?

Une autre approche consiste à commencer par quantifier la mission d’enseignement, pour ensuite remonter à son coût. Les universités cherchent depuis longtemps à calculer le coût de leur offre de formation (appelé C.O.F.), notamment pour appuyer les arbitrages budgétaires internes.

Mais de nombreux facteurs entrent en compte, par exemple : le nombre d’étudiants et la taille des groupes, la nature des enseignements (cours magistral, travaux dirigés, travaux pratiques, projets tuteurés, tutorat…), le nombres d’heures de formation (1500h sur 3 ans pour une Licence, 1800h sur 2 ans pour un DUT), le salaire des enseignants (qui dépend des statut, ancienneté et dispositions particulières), le coût en matériel pédagogique (des ordinateurs pour l’informatique, du matériel de laboratoire et des fluides pour la chimie, des sorties pour l’archéologie.), etc.

Ce n’est qu’un échantillon des facteurs qui impactent le coût d’une formation. Ajoutons la mutualisation des enseignements et la “personnalisation des parcours” voulue par la loi ORE, et on réalise que chaque étudiants a des heures d’enseignement différenciées dans un contexte d’encadrement différencié. Ajoutons aussi tous les coûts qui ne sont pas directement liés à une heure d’enseignement (administration, factures, etc), et calculer précisément le coût de chaque formation en partant des heures d’enseignement devient quasiment impossible.

Quelles économies par l’éviction d’étudiants (étrangers) ?

Le chiffre de 11k€ par étudiant comme coût de la formation est donc largement abusif, notamment à l’université. Mais quelles économies peut-on fait en évinçant un étudiant (étranger) d’une formation ?

Hé bien, parfois, pratiquement aucune. En effet, les étudiants sont la plupart du temps en groupe, ce qui implique des effets de seuil. Si vos salles comportent 30 places, et que vous avez 26 étudiants, en accueillir 4 de plus ne coûtera pratiquement rien en terme d’enseignement. Cela augmentera la charge des enseignants, mais à l’université le paiement de cette charge est forfaitaire, par exemple la correction des copies n’est pas spécifiquement rémunérée. En accueillir un 5ème, en revanche, peut conduire à doubler le coût en raison du dédoublement du groupe.

On voit par cet exemple que le coût de la formation d’un individu est encore plus difficile à calculer que le coût d’une formation, qui n’est déjà pourtant pas vraiment calculable à l’Université. C’est donc l’offre et la demande qui fixeront le prix des formations universitaires, et en aucun cas leur coût réel et précis. C’est d’ailleurs une des façons de comprendre comment le prix des formations pour les étudiants étrangers a été fixé.

Ce prix du marché est également la seule explication valable pour expliquer la différence de tarif entre une Licence et un Master, et surtout un Doctorat, qui lui ne coûte pratiquement rien à l’université en terme de formation.

[edit] Focus « Les coûts des formations dans l’enseignement supérieur français : déterminants et disparités » du Conseil d’analyse économique

Le Conseil d’analyse économique a publié en 2021 une note concluant à un coût moyen de 3 730€ en Licence et de 5 430€ en Master, mais a surtout mesuré les très grandes disparités entre disciplines et établissements, et même en leur sein : « Les coûts des formations dans l’enseignement supérieur français : déterminants et disparités ».

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Bilan Social ESR : une stabilité qui masque des transformations

Le MESRI vient de publier le bilan social national (BSN) 2017, un document très complet (264 pages) qui fait le point sur de nombreux aspects des ressources humaines. Derrière une apparente stabilité, il faut pourtant noter des mouvements de transformation.

Une apparente stabilité

A première vue, il y a peu de changements entre 2012 et 2016 : le nombre d’enseignants est relativement stable, autour de 100.000 ; et le nombre de personnels administratifs est en augmentation, pour bientôt rejoindre ce même effectif. A première vue, on pourrait même croire à une déprécarisation. En réalité, c’est tout le contraire.

Des séries trompeuses

Représenter les évolutions de plus de 200.000 personnes est un casse tête. Le faire en 4 série sans masquer des phénomènes est proprement impossible. Ces séries sont donc nécessairement trompeuses, sans manipulation de la part de leurs auteurs. Il est ainsi nécessaire d’aller voir les sous-catégories par série :

En allant voir ces séries détaillées, on peut constater que l’apparente stabilité des effectifs cache en réalité une baisse du nombre d’enseignants-chercheurs dans la filière universitaires (de 49.015 en 2012 à 48.835 en 2016) par une augmentation dans la filière hospitalo-universitaire (de 6.274 en 2012 à 6.490 en 2016). Hors IHU, le nombre d’enseignants, et notamment d’enseignants-chercheurs, est donc en baisse de 0,4%.

En allant encore plus loin (Tableau 4), on pourra d’ailleurs remarquer que cette baisse porte essentiellement sur le corps des Maîtres de Conférences, qui représente l’entrée dans le métier d’enseignant-chercheur et pèse donc sur l’attractivité du doctorat.

Il faut ensuite regarder les lignes en petits caractères :

On y découvre que les vacataires, qui sont les personnels les plus précaires, ne sont pas comptabilisés. Leur nombre est pourtant impressionnant (note du Tableau 1.1) : 110.000, alors que seulement 3/4 des établissements ont remonté leur chiffres les concernant. Ils étaient entre 80.000 et 100.000 en 2012, tous établissements confondus. Il y a donc une précarisation certaine de l’enseignement supérieur.

Des séries à mettre en perspective

Deuxième chose à prendre en compte lorsqu’on regarde des effectifs : l’évolution de la masse de travail. Or, le nombre d’étudiants n’a cessé d’augmenter, et cette augmentation s’est accélérée sur la période 2012-2016.

Ainsi, pendant que les effectifs enseignants de la filière hospitalière augmentaient de seulement 3,4%, ceux des étudiants en santé augmentaient de 7% (de 210.426 à 225.668). Mais hors santé, alors que les effectifs enseignants baissaient donc de 0,3%, les effectifs étudiants augmentaient de 19% (de 316.542 à 375.907, soit l’équivalent d’une très grosse université) !

Conclusion

Derrière une apparente stabilité des effectifs des universités se cachent en fait différentes transformations : une baisse des effectifs enseignants-chercheurs hors santé, et notamment des Maîtres de Conférences, une précarisation croissante de l’enseignement, et un alourdissement des charges d’enseignement sous l’effet de l’augmentation du nombre d’étudiants.

Enseignement supérieur Recherche Innovation en Chiffres

Le ministère vient de publier des chiffres repaires sur de nombreux aspects de l’Enseignement supérieur, la recherche et l’innovation.

Enseignement

Côté enseignement, l’investissement reste médiocre, en dessous de la moyenne de l’OCDE. Cependant, les performances restent bonnes, avec des taux d’insertion professionnelle élevés et homogènes, et de bon taux de réussite, sachant que ces derniers ne prennent pas en compte les réorientations qui améliorent en réalité sensiblement la réussite en Licence. Pour rappel, 80% des étudiants qui entrent dans l’enseignement supérieur sortent diplômés, et ce alors que le pourcentage de bacheliers a pratiquement doublé depuis 1990 (p. 5).

Doctorat

En ce qui concerne le doctorat, on observer une augmentation du nombre de diplômés depuis 2009, malgré une baisse du nombre de doctorants dans le même temps. Surtout, on constate que l’avantage en terme d’insertion professionnelle est très médiocre par rapport à un bac+5 :seulement environ 5 points de plus en terme d’insertion et 20% en terme de revenus (qu’il faudrait mettre en perspective avec l’évolution du salaire avec 3 à 5 années de carrière en plus pour un bac+5).

Recherche et Innovation

Coté recherche, on constate également un investissement médiocre, dont les deux tiers sont dans le secteur privé, donc adossé au 6 Md€ du CIR (p. 23). Le CII peine à décoller avec seulement 155M€ (p. 23). La répartition des dépenses, comme de l’équilibre public/privé, fait apparaître une grande hétérogénéité entre les régions.

Conclusion

Ce document donne ne nombreux chiffres clés, qui permettent de saisir globalement l’état de l’ESRI en France, qu’on pourrait résumer par : un investissement médiocre pour de très bonnes performances.

 

 

#PasDeVague, l’écume des nouvelles politiques de gestion publique ?

Ce billet a été précédemment publié dans The Conversation.

L’agression filmée d’une enseignante a déclenché une vive émotion sur les réseaux sociaux. Avec le mot dièse #PasDeVague, de nombreux enseignants se sont mis à raconter la réaction de leur hiérarchie en de telles circonstances. Certains n’ont pas hésité à parler d’un « sentiment d’abandon », voir de « complicité » avec les agresseurs.

Il est très difficile, sinon impossible, d’analyser objectivement la totalité des questions soulevées par cet événement. Mais les politiques de gestion des services publics, dont la réforme est d’actualité, représentent une clé d’explication du comportement de la hiérarchie de l’Éducation nationale.

Une culture de la performance

Né dans les années 1970, le nouveau management public (NMP) est une méthode de gestion des services publics qui met l’accent sur la culture de la performance. Elle se traduit par la mise en place d’objectifs chiffrés, à tous les niveaux hiérarchiques, de l’État jusqu’à l’agent. En France, le NMP a été mis en œuvre par la Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

En voici la description sur le site de l’Éducation nationale :

« Pour une politique donnée, l’État se fixe des objectifs précis à atteindre, avec des moyens alloués pour atteindre ces objectifs. La “performance” des services est ainsi mesurée de façon plus concrète : une politique publique est d’autant plus performante que les objectifs sont atteints ou approchés grâce aux moyens alloués. »

« Des responsables de programme doivent définir, chacun à leur niveau, les objectifs, les stratégies et les indicateurs de performances des politiques publiques dont ils sont chargés. Ils disposent d’une plus grande liberté dans la gestion des moyens alloués en contrepartie d’un engagement sur des objectifs de performance. »

Des dilemmes permanents

Depuis plus de 15 ans, cette politique, indissociable de la réduction des dépenses de l’État, conduit à une double pression continue sur la fonction publique. Il s’agit de toujours faire plus avec moins, non pas dans le cadre d’une restructuration ponctuelle, mais comme un objectif permanent.

À l’évidence, cette politique ne peut être pérenne. Même s’il existe une marge d’amélioration initiale, elle finit par être consommée. Le système se met alors en tension, et il devient nécessaire d’arbitrer entre la baisse des moyens et l’augmentation des performances : un dilemme permanent.

Supposons l’application de cette politique aux repas d’une famille : chaque jour, manger mieux et pour moins cher que la veille. Au début, il sera possible d’optimiser les courses et la cuisine… Mais au bout d’un moment, cela ne sera plus possible. Il faudra alors choisir entre ré-augmenter les dépenses ou diminuer la qualité des repas.

Dans l’Éducation nationale et l’Enseignement supérieur, le nouveau management public se traduit par des documents touffus, réunissant de très nombreux indicateurs : projets annuels de performances (PAPé), projets d’établissement, contrats d’objectifs et de moyens (COM), contrats de site…

Exemple d’un rapport annuel de performance (RAPé) universitaire.

 

On comprendra aisément le dilemme face auquel se trouvent les enseignants évalués sur les notes qu’ils donnent eux-mêmes. Certains documents fixant des objectifs peuvent même s’adresser non pas à l’établissement, mais directement au cadre.

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Le cercle vicieux des économies

Mais en réalité, quelles sont les marges de manœuvre des cadres de l’Éducation nationale confrontés au dilemme ? Malheureusement, ils ne décident pas de leurs moyens. De plus, l’instauration d’un rapport de force auprès de la hiérarchie, donc du rectorat, peut les mettre dans des situations délicates, les désavantageant par exemple lors des arbitrages dans la répartition des postes, ou plus personnellement lors de l’attribution des primes et promotions.

Si les cadres ne peuvent pas compter sur un support de la population, et notamment des parents, ces tensions deviennent aussi épuisantes que risquées. En ce sens, l’opinion publique sur les enseignants, mais plus largement les fonctionnaires, est porteuse de véritables enjeux politiques.

Dans un contexte de réduction des dépenses publiques, l’augmentation des moyens est hors d’atteinte. La seule option serait donc de baisser les performances, c’est-à-dire les exigences pédagogiques ainsi que les conditions d’études. Cependant, si une telle évolution tire les indicateurs à la baisse, certains objectifs ne seront pas atteints, avec des conséquences variables : pression du rectorat et des parents, suppression de prime, baisse des moyens collectifs, fuite des meilleurs élèves… L’établissement risque alors de tomber dans une spirale infernale, ces conséquences pesant encore davantage sur le niveau des élèves.

C’est entre autres ainsi que s’aggravent la ségrégation et les inégalités scolaires. La publication régulière de classements assure aussi une pression sur l’ensemble du système, mettant en concurrence les établissements et accentuant les conséquences d’une baisse des indicateurs. Ces classements ont d’ailleurs récemment été améliorés, et le seront encore prochainement.

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La loi de Goodhart

Les cadres se retrouvent donc dans la double obligation de baisser les performances mais de maintenir les indicateurs. Dans ce contexte, nous avons une explication rationnelle à #PasDeVague. Si le nombre de conseils de discipline est utilisé comme un indicateur des conditions d’études, et que les cadres ont pour objectif de les améliorer, en l’absence de moyens réels, ils sont poussés à nier certains problèmes de terrain : « Pas de vague ».

De la même manière, l’usage des taux de réussite et des mentions comme indicateurs peut influer sur les attentes pédagogiques, incitant à revoir à la baisse les exigences pour augmenter au moins les notes.

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Cette mécanique, objet de la loi de Goodhart, a conduit à invisibiliser l’évolution des performances réelles de notre système éducatif, et donc les conséquences notamment de la réduction des moyens.

En 1995, la France occupait la première place mondiale selon l’enquête TIMSS Advanced, avec 64 % des élèves en Terminale S ayant au moins le niveau avancé, alors que moins de 30 % des bacheliers obtenaient une mention au Bac. En 2015, seulement 11 % des Terminales S témoignent d’au niveau avancé au TIMMS Advanced, mais plus de 60 % des bacheliers obtiennent une mention au Bac. laviemoderne.net

Une double pression

Si les indicateurs nationaux ne sont plus fiables, il est toujours possible de se tourner vers les indicateurs internationaux. Ces derniers indiquent aujourd’hui que nous sommes face à un point de rupture : selon l’OCDE, le système scolaire français est devenu le plus inégalitaire après le Japon, conduisant à un écart de niveau équivalent à quatre ans de scolarité entre les plus favorisés et les plus défavorisés.

Différence des scores PISA en fonction des statuts sociaux-économiques. OCDE

C’est dans ce contexte que s’inscrit la réforme de l’État qui fait l’actualité. Cette dernière s’appuie très largement sur le rapport fuité du Comité Action Publique 2022 (CAP22). On y trouve une vingtaine de fois le terme « manager », dans un rôle conçu spécialement pour l’environnement que nous venons de voir. L’idée principale est de donner au cadre le dernier levier de pression sur son équipe qui lui manque encore : la gestion du recrutement et des revenus des agents. Il est ainsi prévue de

« donner la possibilité au management de négocier des accords dérogatoires au cadre de la fonction publique, sur l’ensemble des points du statut […] de recruter, faire évoluer et promouvoir les talents sans autres contraintes préalables que celles de droit commun, de sa responsabilité et des moyens alloués ».

Mais cette réforme prévoit également d’augmenter la pression sur les épaules des cadres eux-mêmes, directement par leurs revenus et les carrières, tout en les éloignant du terrain :

« Il faut renforcer la professionnalisation des personnels de direction et des gestionnaires d’établissement et leur assurer un déroulement de carrière plus attractif afin qu’ils jouent pleinement leur rôle de manager et d’accompagnement de leur équipe pédagogique. »

Ainsi, dans un contexte de rupture des performances, et face au dilemme entre l’augmentation des budgets ou la baisse des performances, CAP22 préconise de renforcer le double système de pression qui s’applique aux cadres : moyens de pression sur ses équipes, mais aussi moyens de pression sur ses propres épaules.

Une « gouvernance par les nombres »

La réforme de l’État actuellement en discussion utilise le « manager », cadre de la fonction publique, comme levier principal d’action. Quelles que soient les intentions individuelles de ces derniers, ils seront contraints d’accentuer les effets qui se font déjà sentir, parfois au détriment de leurs équipes pédagogiques et des élèves dont ils ont la charge.

Tout ceci renvoie à ce qu’Alain Supiot désigne par la gouvernance par les nombres : « Prospère sur ces bases un nouvel idéal normatif, qui vise la réalisation efficace d’objectifs mesurables plutôt que l’obéissance à des lois justes ».