Enseigner au XXI siècle

Le monde enseignant et l’épidémie

Il n’est guère original de dire que la situation de fermeture des écoles pose de gros problèmes à tout le monde.  Elle interroge aussi sur le sens et les missions du métier.

En négatif, il y a par exemple l’indécent communiqué de Sud Education qui « « refuse catégoriquement que le télétravail puisse être imposé à la va-vite et en dehors de tout cadre réglementaire (…). Le virus ne saurait être le cheval de Troie de l’enseignement à distance. » Elle rappelle « que le télétravail n’est aucunement obligatoire ».

Bien sûr que le télétravail n’est pas mentionné explicitement dans ce mythique contrat qu’auraient les enseignants avec l’Etat, mais celui-ci existe déjà largement et se développe. On n’en est plus à la surprise d’élèves à qui il y a quelques années j’envoyais, étant malade, un travail à effectuer…par fax (eh oui, moyen moderne à l’époque !) ou à ces profs refusant de communiquer par téléphone avec les familles.  Est-on vraiment dans un métier de cadre ?

De même peut-on être choqué de quelques voix que je perçois sur Facebook par exemple d’enseignants revendiquant de « rester chez eux » pour ne pas être exposés, comme si des milliers de travailleurs devaient refuser tout déplacement, toute présence (pour organiser par exemple, dans le cadre d’une Mairie, et j’ai l’expérience dans ma ville très tôt touchée par le virus ou plutôt ses menaces, pour organiser tout ce qui est à organiser). Sans oublier la demande de prendre en charge les enfants de soignants, ce qui semble indispensable et une manière de se montrer aussi solidaires du personnel de santé qu’on ne peut qu’admirer…

Qu’il y ait des manques d’anticipation, des insuffisances, qu’il y ait risque de fracture numérique et sociale (mais que propose-t-on comme alternative ?), certes, mais ne pas se montrer d’abord solidaires d’une population qui souffre, ne pas chercher ensemble des solutions, cela aussi me parait indécent.
Il est vrai que le Ministre, en déclarant que « tout est prêt » , que « tout est prévu » ne nous aide pas et je partage le sage avis de Philippe Watrelot affirmant qu’il aurait été tellement préférable de tenir un discours du type « c’est difficile, il faudra faire preuve d’imagination, il n’y a pas de « bonnes solutions », mais travaillons ensemble, chacun apportant ses ressources, etc. ». L’horizontalité n’est pas le fort des autorités actuelles…

Tout cela, c’était la note négative. Mais je voudrais surtout souligner le positif, tel que je l’ai déjà observé près de chez moi à Creil-Nogent, tristement « précurseur » des fermetures. J’ai demandé des témoignages qui m’ont ému, montrant le professionnalisme de beaucoup de collègues, l’esprit d’équipe, même à distance, dans un secteur pourtant bien difficile . Les parents sont reconnaissants de ce travail et globalement je suis fier d’appartenir à ce monde enseignant capable de se mobiliser comme le prouve aussi la mise en ligne ce samedi 14 mars de nombreuses ressources par un groupe d’une douzaine de personnes des Cahiers pédagogiques.

Le coronavirus et l’école

Faire l’école à la maison sous coronavirus ?

Le CRAP-Cahiers pédagogiques

Je plains ceux qui ne savent pas voir cette énergie, ce souci d’être au plus près des élèves (si j’ose dire) , le volontarisme de ceux  qui ne « s’en lavent pas les mains (si j’ose dire encore !). Les affirmations péremptoires des Yaka fokon me fatiguent. On pourra ensuite faire un bilan critique, on pourra continuer à critiquer le ministère (et je ne suis pas le dernier à le faire), mais actuellement, le problème est davantage de mettre le numérique au service de la « limitation des dégâts » tout en montrant de manière éclatante que le « à distance » ici inévitable ne peut remplacer le présentiel, ce qui vaut aussi pour la formation des enseignants.  Là encore, je ne vais pas dire quelque chose d’original, mais les crises de ce genre révèlent à la fois le négatif individualiste et purement contestataire de certains et le sens du collectif qui sait mettre la contestation à sa place et dans son temps. Et de reprendre le vers connu de Aragon d’un poème que j’aime depuis mon adolescence : « Quand les blés sont sous la grêle, fou qui songe à ses querelles ».

Commentaires (2)

  1. Grégory

    La Belgique et la Suisse ont suspendu les cours. Sont-ils inconscients ?

  2. Jérôme

    Je rejoins tout à fait votre critique du communiqué de Sud-Education. Certes, nos fiches de postes ne mentionnent pas explicitement le télétravail (cela viendra surement suite à cette crise). Néanmoins, assurer la continuité de l’enseignement est notre travail, et au delà, un devoir moral vis à vis de nos étudiants. Bon courage à tous, nous sortirons grandis de cette épreuve.

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